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Sous la poussée robuste des trente hommes, la serrure céda et la porte alla frapper rudement un pan de mur. Le piano jouait toujours sa même valse ; on continuait à danser. Les soldats pénétrèrent dans une cour, mais à la vue de leurs armes, Joséphin déguerpit, s’élança vers un escalier béant.

— Feu ! cria Sauvageot, et il lui lança son coup de fusil.

Joséphin accéléra sa fuite, mais une dizaine de coups de feu éclatèrent encore dans une clarté vibrante, se suivant les uns les autres. Enlevé des marches, Joséphin tomba en arrière sur les épaules. C’était un pauvre boscot, garçon de la maison, à qui ces mêmes soldats, en temps ordinaire, par bon cœur, payaient des tournées à bouche-que-veux-tu. Le piano avait cessé son tapage canaille ; aucune fenêtre ne s’ouvrait. Pourtant, au fond du trou noir de l’escalier, quelqu’un se mit à crier :

— Qui est là ?

Une fusillade partit de nouveau, lui faisant une réponse terrible. Des portes se fermèrent, s’ouvrirent au milieu d’un tapage de cris qui s’éloigna. Les soldats se précipitèrent.

Au même instant, un charivari commençait sur la place d’armes, et une grêle de balles venait s’attaquer au toit de la maison. Les ardoises pleuvaient dans la cour. Des camarades arrivèrent au pas gymnastique.

À la suite du premier emballement, une fois chez eux, ils avaient hésité un instant, sacré, juré sans trop se dépêcher, mais au crépitement des coups de feu amis, ils avaient tous quitté les chambres, brandissant leurs armes, hurlant et sautant comme des sau-