Page:Les Soirées de Médan.djvu/248

Cette page a été validée par deux contributeurs.

leur montrait Joliot tordu en des ruades folles, et on leur racontait la chose. En un clin d’œil, la grande pièce blanchie à la chaux fut pleine de monde. On ne pouvait plus s’y remuer. Sans cesse, le brouhaha augmentait. Mais ce fut une bien autre histoire quand Joliot, tout à fait revenu à lui-même, lâche comme un moutard, dans les premiers spasmes de son agonie se mit à crier :

— Maman ! maman !

Le chirurgien n’arrivait toujours pas. Le long du mur ombreux, les fusils continuaient à dormir.

À cette heure, plus de deux cents hommes se pressaient autour du moribond. Un des châlits supportait jusqu’à dix individus ; et les conversations s’étaient exaspérées à force de tournoyer dans le même ordre d’idées, dans le même cercle étroit. D’une voix retentissante, tout à coup Verdier annonça :

— Joliot est mort.

Les deux cents hommes entendirent et ils s’effarèrent.

En effet, Joliot venait de mourir, et il gisait le regard effrayant, la bouche ouverte. Alors, au milieu du large silence nerveux, quelqu’un, on n’a jamais su qui, cria :

— Aux armes !

Une foule de soldats dans la cour n’avaient pu entrer, mais la mort et l’aventure de Joliot les avaient enflammés comme une traînée de poudre ; et tous, même les sergents, à l’envi, sous l’aurore boréale, autour du mort, sous la clarté fauve, hurlaient à qui mieux mieux : « Aux armes ! aux armes ! »

Les gens de la chambrée avaient sauté sur leurs fusils, bouclaient leurs ceinturons, prenaient des car-