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— Joliot, commença-t-il, te sens-tu la force de me répondre ?

Joliot répondit : « Oui, » faiblement. On entendait le souffle des respirations. Trente figures s’étaient penchées, une flamme dans les prunelles.

— Où as-tu été blessé ? continua Verdier, en appuyant sur chaque syllabe.

— Au 7.

— Oh ! fit-on, avec un ensemble stupéfait.

— Par qui ?

— Par…

La révélation de Joliot se perdit dans un soupir… « Ah ça, est-ce que, décidément, on n’allait rien apprendre ? » Mais on se tut encore, Verdier renouvelait la question. Et cette fois Joliot répondit :

— Par le patron.

Un tonnerre d’imprécations gronda. On ne pouvait plus rester en place. L’homme qui tenait la chandelle, auprès du lit, la lança de toutes ses forces contre la muraille. La chambrée ne fut plus éclairée que par la seconde chandelle dont la flamme fumeuse se balançait gravement au-dessus de la planche à pain. Un vacarme de gros souliers courait sur le plancher. Plusieurs soldats enfilaient leur vareuse, tandis qu’un groupe s’était formé où l’on gesticulait, où chacun lançait sa phrase sans écouter celle du voisin, tout cela dominé par Sauvageot qui gueulait tantôt sur un timbre, tantôt sur un autre :

— Est-ce qu’on va nous tuer dans les bouzins, à présent ?

Des chambrées les plus proches, attirés par le tapage, des camarades survinrent, s’informèrent. On