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En effet, Joliot gisait, la mâchoire inférieure fracassée, la face barbouillée de sang et de poudre. Il avait un trou, un peu à gauche, sous la bouche, et un filet tiède lui coulait dans le cou, avait maculé sa veste d’uniforme, produisant sur le collet, près des premiers boutons, une coagulation brillante.

— Hé ! vous autres ! cria Sauvageot.

Sa voix retentit, pareille à un glas.

— Au secours !

— Hein ?… Quoi ? balbutiait-on, réveillé en sursaut.

— Joliot !… Joliot est mort.

— Mort ?… Mort ?… Mort ? »

Ce fut comme un écho qui répondit de tous les coins de la chambrée. On se précipita, en chemise.

— Pruvost, allume ! cria Verdier.

En deux temps et trois mouvements, Joliot fut couché sur son lit. Il ne bougeait pas plus qu’une poutre.

Une voix demanda :

— Si on allait chercher le major ?

— C’est ça,… dépêche-toi.

Mais Pruvost n’arrivait pas à mettre la main sur les chandelles. Dans les intervalles qui coupaient les exclamations, les bouts de phrases échangés, la bousculade inévitable, on l’entendait farfouiller les effets du caporal, sur l’étagère. Poussé par ses tâtonnements, un quart dégringola.

— Je ne sens rien, murmurait-il,… rien.

Verdier fut obligé de s’en mêler. Il trouva deux chandelles. Alors personne n’eut d’allumettes. Sauvageot finit cependant par en dénicher une.

Tout à coup, un soldat cria :

— Il respire.