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la caserne s’allumaient, déjà pleines de miroitements vagues.

Cependant, à quelque distance du groupe formé par les soldats, le plus loin possible du caporal, deux intimes avaient entamé une causerie.

— Bon ! tu as rencontré Joliot…

— Tout comme je revenais de porter la soupe à la prison.

— Pourquoi qu’il n’est pas rentré ?

— Il a reçu de l’argent du pays.

— Ah ! le lapin.

— Il voulait m’amener casser une croûte avec lui chez la mère Mathis.

— Tu as reniflé ?

— Merci, je sors du clou… Ce qu’on s’y fait vieux !

— T’es pas un homme.

Il y eut un silence, puis l’admirateur de Joliot reprit :

— Où va-t-il coucher ?… Tu ne sais pas ?

— Tiens ! au 7, parbleu !

— Ah ! le lapin.

La conversation se termina par un rire cassé. Mais comme l’extinction des feux sonnait pour la troisième fois, toujours plus loin, avec un bruit pareil à celui d’une trompette d’enfant, le caporal Verdier dit :

— Hop ! les rigolos, allons taper de l’œil.

Et l’on s’en retourna. La chandelle achevait de se consumer sur la planche à pain ; Verdier l’éteignit tout à fait. On ne sait quelle lourdeur somnolait dans l’ombre. Personne n’avait envie de parler. Seul, le bruissement des uniformes qu’on ôtait, le tapage des