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pour taper sur les autres, lui ?… Alors, quoi ? Gare la couverte !… Les mains de Sauvageot, des mains ?… jamais de la vie, des pelles à four ! »

Sauvageot s’était relevé. L’œil navré, les moustaches pendantes, un reste de colère sur les joues, il paraissait considérablement stupide.

— Voyons, quel est le Prussien qui t’a poivré la pince ? finit par demander le caporal Verdier.

— C’est Faguelin.

En chœur, la chambrée poussa un hurlement de joie, se répétant : « Faguelin ! Faguelin ! »

Quelqu’un cria : « Ohé ! Faguelin !… As-tu vu Faguelin ? »

Maintenant le regard ahuri de Sauvageot se promenait sur toutes les figures. Plusieurs fois déjà, au milieu du tapage, il avait murmuré : « Comment ! ce n’est pas Faguelin ? »

Et il renouvelait sa question, lorsqu’on le rejeta entre les genoux du camarade béatement occupé à sourire sur le bout d’un châlit.

— Attention ! cria de nouveau Verdier, que ton postérieur ouvre l’œil ! »

Cette fois, un long et maigre soldat s’approcha. Il avait quitté un de ses godillots, et marchait dans une vareuse trop large, en boitant, un pied nu, la bouche sournoise. Il levait son godillot, des mains de tous côtés l’encourageaient, mais brusquement le caporal Verdier cria :

— Fixe !

Il venait d’apercevoir le lieutenant de semaine dans l’embrasure de la porte, et derrière lui, les longues moustaches frisées du sergent-major en tournée de service. Les hommes s’étaient précipités au pied des