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avaient affranchi des peuples et délivré des patries.

Résolue à tout, dans sa fièvre de patriotisme, de retour à Versailles, elle alla trouver Mme  Worimann. Elle se fit humble, travailla par de doucereuses paroles à rentrer dans les bonnes grâces de l’entremetteuse, puis, brusquement, comme gênée par ses bassesses, elle lui déclara qu’elle acceptait.

— Quoi ? qu’est-ce que vous acceptez ? demanda hypocritement Mme  Worimann.

— Ce que vous m’avez proposé l’autre jour, vous savez.

Mme  Worimann fit un geste qui signifiait : je savais bien que vous y viendriez.

— Seulement, continua Mme  de Pahauën, je mets une condition expresse. Vous m’entendez. Le lendemain j’exige que les moyens me soient facilités pour rentrer à Paris. Autrement, il n’y a rien de fait.

Longtemps, Mme  de Pahauën attendit la réponse. Deux jours passés, et elle était encore là, dans sa chambre, marchant à grands pas, tremblant que cet officier de l’entourage de l’empereur Guillaume n’eût changé d’avis et ne la refusât, à cette heure. La glace lui jeta son visage. Elle se trouva laide, et s’avoua à elle-même qu’elle n’était plus guère désirable. Alors la vieille courtisane s’ingénia. Elle employa tous les artifices pour rétablir, ne fût-ce qu’un jour, sa croulante beauté. Ses pots de fard grattés jusqu’au fond rendirent à son visage une jeunesse momentanée, le rose revint aux lèvres avec un peu de pommade. Un bout de crayon retrouvé dessina l’arc fuyant des sourcils, un rien de khol bleuit à nouveau sous la paupière ravivant les flammes éteintes de l’œil,