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III


À Versailles, Mme  de Pahauën n’avait rien retrouvé de sa vie envolée des belles époques de l’Empire. Son récent prestige de maîtresse favorite disparaissait également. Sans autorité, presque sans argent, elle menait une existence maussade, vexée au plus profond de sa vanité d’être confondue avec la masse des femmes entretenues que la peur d’un bombardement, ou simplement un naturel espoir de gain facile avaient attirées au milieu des Prussiens.

Son arrivée avait été plus que modestie humble. Tout d’abord, elle avait été désorientée parmi le brouhaha guerrier de cette ville si majestueusement morte, à laquelle l’invasion donnait un mouvement extraordinaire et comme une résurrection d’un instant. Avenue de Saint-Cloud, dans un petit hôtel meublé plein d’officiers en casque, d’ordonnances au langage rude, aux éperons sonnant continuellement sur les marches des escaliers, elle avait eu assez de peine à se procurer une chambre étroite, avec un mesquin cabinet de toilette, où elle faisait coucher sa femme de chambre qui rechignait. La propriétaire, profitant de l’occasion, et tirant un lucratif parti des