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l’admirait comme un martyr, et lui soupçonnant des capacités excessives ainsi que des talents méconnus, s’apprêtait à le saluer comme une puissance.

La chute de l’Empire, du jour au lendemain, l’avait fait sauter à une situation qui dépassait ses rêves. C’était entre ses mains que Paris, tremblant de l’approche des Prussiens, uniformément vainqueurs depuis un mois, remettait toute la puissance presque. De son obscurité lointaine, il montait bruyamment au poste de dictateur, et dès le début, les obéissances se faisaient faciles pour ce maître volontaire en qui se confiaient toutes les espérances de la patrie, désespérément. On ne lui demandait rien, sinon d’agir vite : les bonnes volontés, d’avance, souscrivaient à tout ce qu’il pourrait commander, pourvu que les ordres fussent brefs, les décisions rapides, les résultats sensibles, immédiats. Or, comme il arrive à tous les théoriciens dont la brusquerie des faits contrarie toujours la lenteur savante des combinaisons, il ne sut pas tirer le parti convenable des éléments nerveux qu’il trouvait autour de lui. Aux impatiences, aux grands élans de la foule, il opposait ses temporisations, et immobilisait par la sécheresse de ses calculs, les vibrants enthousiasmes qui ne demandaient qu’à marcher. Continuant dans son commandement militaire la pratique d’inertie à laquelle il devait la réussite de sa vie, il restait sans agir, dans Paris assiégé, attendant du hasard la chance d’une bonne fortune, comptant sur des secours du dehors, incapable de rien improviser, jugeant les situations nouvelles avec des idées préconçues et des points de vue anciens. Toute son autorité, il l’employait non pas à exciter les ardeurs ; au contraire, il