Page:Les Soirées de Médan.djvu/170

Cette page a été validée par deux contributeurs.

des délibérations les plus graves, dérangeant tout, bousculant tout. Passe encore quand, dans l’intimité, elle l’assommait de conseils stratégiques et prétendait lui imposer d’invraisemblables plans de campagne. Personne n’en savait rien. Mais là, devant tout le monde, venir s’afficher ! Ah ! il avait eu bien tort de lui passer si complaisamment tous ses caprices.

Il parle en essayant de mettre des sévérités dans sa voix. Au fond, il a beau s’irriter et s’en défendre, il trouve la situation comique et l’idée d’une fantaisie adorable. Cette diablesse de Mme de Pahauën, on ne sait vraiment pas quelle folie lui coule dans les veines. Est-elle amusante cette guenon-là ! Sans doute il ne demandait pas mieux que de lui pardonner encore cette escapade ; mais vraiment, avec certains membres du conseil, elle s’est montrée d’une familiarité ! Ça lui déplaît, ça, et il ne le souffrira plus. Elle a compris, n’est-ce pas ?

Mme de Pahauën part d’un grand éclat de rire qui la secoue du haut en bas, fait bondir ses seins dans son corset, agite sa chaîne de montre et remue jusqu’à la dentelle de son jupon.

— Est-ce que tu serais jaloux, par hasard ?

Il ne répond pas, mais son attitude est telle que son silence a l’air d’un acquiescement.

— Toi ? Ah ! mon pauvre ami. Eh bien, il ne te manquait plus que cela, tu les as tous, maintenant, les ridicules.

— Ridicule ! Qui ? Lui ? Il était ridicule, et pourquoi, s’il vous plait ? Ce mot-là, il ne voulait pas l’entendre, même de la bouche d’une femme. Ridicule ! Quel ridicule avait-il ? Où ? Pourquoi ? Comment ? Il était un brave officier, tout le monde le savait, les journaux