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beaucoup entendu parler de votre famille ; je crois même avoir vu chez Mme  Lezant, madame votre mère, lors de mon dernier voyage à Paris ; vous êtes ici le bienvenu. »

Nous causons longuement ; moi, un peu gêné, dissimulant avec mon képi, le suçon de mon cou ; elle, cherchant à me faire accepter de l’argent que je refuse.

« Voyons, me dit-elle enfin, je désire de tout mon cœur vous être utile ; que puis-je faire ? » Je lui réponds : « Mon Dieu ! madame, si vous pouviez obtenir qu’on me renvoie à Paris, vous me rendriez un grand service ; les communications vont être prochainement interceptées, si j’en crois les journaux ; on parle d’un nouveau coup d’État ou du renversement de l’Empire ; j’ai grand besoin de retrouver ma mère, et surtout de ne pas me laisser faire prisonnier ici, si les Prussiens y viennent. »

Sur ces entrefaites rentre M. de Fréchêde. Il est mis, en deux mots, au courant de la situation.

« Si vous voulez venir avec moi chez le médecin de l’hospice, me dit-il, nous n’avons pas de temps à perdre. »

— Chez le médecin ! bon Dieu ! et comment lui expliquer ma sortie de l’hôpital ? Je n’ose souffler mot ; je suis mon protecteur, me demandant comment tout cela va finir. Nous arrivons, le docteur me regarde d’un air stupéfait. Je ne lui laisse pas le temps d’ouvrir la bouche, et je lui débite avec une prodigieuse volubilité un chapelet de jérémiades sur ma triste position.

M. de Fréchêde prend à son tour la parole et lui demande, en ma faveur, un congé de convalescence de deux mois.