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LES SÉRAILS DE LONDRES

matin au négociant, qui lui avoit répondu qu’il se rendroit ponctuellement le soir chez elle, pour voir la belle inconnue.

Dans cette crise, on jugea nécessaire d’amener de loin la fourberie. Afin de prévenir les soupçons et les rougeurs de la modestie, on conduisit Lucy dans une chambre sombre, où le négociant ne pouvoit pas être aperçu. Miss Palmer en y entrant s’écria : « Bon Dieu ! Madame Crisp, que vous avez été long-tems à revenir… que je suis aise de vous voir. » — « Et moi aussi », répliqua le négociant qui, saisissant la belle innocente par la main, la jetta sur un sopha, et prit avec elle des libertés qui, bientôt, convainquirent Lucy de sa situation réelle, et de son danger imminent ; elle se débattit et appela en vain au secours ; à la fin ses forces lui manquèrent, et elle dit d’une voix balbutiante : « Sauvez-moi… Oh ! sauvez-moi… Si vous êtes un homme, un chrétien, ou un parent ! » La mère Mitchell croyant que le sacrifice étoit suffisamment fait, parut avec des lumières ; le sourire d’approbation et de désapprobation étoit peint sur sa figure ; le cruel spoliateur se précipita en bas de la couche de l’incest… c’étoit son père !

Quelle situation extraordinaire, critique et terrible. M. Palmer tomba aux genoux de sa fille, et, les larmes aux yeux, la supplia de lui pardonner ce traitement barbare et inattendu, l’étonnement