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LES SÉRAILS DE LONDRES

son mariage fut irrévocablement fixé, avec injonction de se tenir prête au jour indiqué : dans cet état embarrassant, elle prit un parti désespéré ; elle résolut de s’échapper, et elle mit son projet à exécution la nuit avant le jour de ses noces.

Sa marchande de modes logeoit à l’extrémité de la ville vers Berkelet-Square. C’étoit une femme qui possédoit ces artifices femelles calculés, pour tromper l’innocence, et qui sacrifioit son sexe pour un petit gain. Elle s’étoit attiré la confiance de Lucy Palmer par sa flatterie, ses assiduités et ses affections apparentes d’attachement : ce fut donc chez cette amie imaginaire qu’elle se rendit ; elle avoit emporté avec elle les hardes et le linge qui lui étoient nécessaires, et l’argent qu’elle avoit amassé de ses épargnes. Mme Crisp (ainsi s’appeloit cette marchande de mode) reçut Lucy très amicalement ; elle la caressa comme si elle eut été son enfant. Dès qu’elle eût appris toutes les circonstances de son aventure, et la cause de sa démarche téméraire, elle approuva fort sa conduite, et lui dit qu’elle auroit agit précisément de la même manière si elle se fût trouvée dans une situation pareille ; « surtout, ajouta-t-elle, si elle eût été assurée de se confier à une amie, telle qu’elle se flattoit d’être à son égard. »

La consolation que Miss Palmer reçut de cette femme artificieuse soulagea beaucoup la fugitive infortunée ; elle reprit bientôt sa gaieté ordinaire.