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LES RAVAGEURS

d’élégantes houppes dont les brins ressemblent à des plumes d’une finesse incomparable. Les supérieures sont de couleur café au lait ainsi que le dessus du corps ; les inférieures sont obscures. Dans le repos, elles sont un peu repliées et couchées le long du dos.

Eh bien, mes enfants, ce papillon de rien est l’un des plus terribles ravageurs des céréales ; pour peu qu’il pullule, petite bouchée par petite bouchée, il mange des millions à l’agriculture ; rien que cela. Son nom est alucite.

Jules. — Mais les papillons ne mangent pas, vous nous l’avez dit souvent. Ils sucent les fleurs avec une trompe, quelques-uns même ne prennent rien du tout.

Paul. — Ce n’est pas l’alucite sous forme de papillon qui commet les ravages, c’est l’alucite en son premier état, l’état de larve ou de chenille. Je vous le répète encore : parvenus à la forme parfaite, les insectes font peu de dégâts ; ce sont les larves, les larves goulues, affamées, qui sont les vrais ravageurs.

La larve de l’alucite vit dans l’intérieur d’un grain de blé, à la manière de la larve du charançon. On la distingue de celle-ci en ce qu’elle est munie de petites pattes, tandis que la larve du charançon n’en a pas. De part et d’autre, les mœurs sont à peu près les mêmes. La chenille de l’alucite ronge la partie farineuse du grain, en respectant le son, qui lui forme une coque naturelle où elle devient chrysalide et finalement papillon. Le dégât reste inaperçu jusqu’à ce que les petits papillons s’élèvent par nuées