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LES RAVAGEURS

se montrent les insectes parfaits ; mais alors le mal est sans remède. Simon ne croyait-il pas avoir un superbe tas de froment alors qu’il ne lui restait plus guère que le son ? Un moyen bien simple permet de reconnaître en quel état est le blé. On en jette une poignée dans de l’eau. Tout ce qui est sain descend au fond, tout ce qui est attaqué surnage. Nous allons faire cette expérience avec le blé de l’assiette, si Jules veut aller à la fontaine chercher un verre d’eau.

L’eau fut apportée, et l’oncle y jeta le blé. Quelques grains descendirent, beaucoup surnagèrent. On ouvrit ceux-ci avec la pointe d’une épingle. Dans les uns il y avait un petit ver blanc, mou, sans pattes, armé de fortes mandibules. C’était la larve de la calandre. Dans les autres il y avait une nymphe blanche ; dans quelques-uns enfin se trouvait l’insecte parfait, prêt à quitter son gîte.

Jules. — D’après le nombre de grains qui ont surnagé, le tas de blé de Simon doit contenir des millions de calandres, pour peu qu’il soit grand. Il doit falloir bien des charançons pour produire cette immense famille ?

Paul. — Pas autant que vous pourriez le croire. Combien supposez-vous qu’un charançon produise d’œufs ?

Jules. — Une douzaine peut-être.

Paul. — Ah ! que vous êtes loin de compte ! Dans le courant d’une saison, un charançon produit de 8.000 à 10.000 œufs, d’où proviennent autant de larves, rongeant chacune un grain. La capacité d’un litre contient en moyenne 10.000 grains de blé. Pour