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LES RAVAGEURS

lieu du corps, et la dernière paire est située tout à l’autre bout. Ces cinq paires portent le nom de fausses pattes, parce qu’elles disparaissent complètement quand la chenille est remplacée par le papillon. Elles sont courtes, larges et armées en dessous d’une foule de petits crochets avec lesquels la chenille se cramponne aux parois de son habitation. Les poils raides dont le corps est couvert servent pareillement à la progression, car la chenille circule dans son canal un peu à la manière des ramoneurs, qui s’aident des genoux et du dos pour monter dans une cheminée.

Jules. — Alors avec quoi la chenille creuse-t-elle le bois ?

Paul. — L’outil pour émietter le bois consiste en deux crocs noirâtres, l’un à droite, l’autre à gauche de la bouche, qui jouent et se rejoignent à la manière de tenailles. On les nomme mandibules. Ce sont deux mâchoires, ou mieux deux dents, qui, au lieu de se rapprocher comme les nôtres de bas en haut, se rapprochent en travers. Pour la précision de leurs mouvements les mandibules défieraient nos meilleures pinces ; pour la dureté, elles sont presque comparables à des pointes d’acier. Elles saisissent le bois parcelle à parcelle, patiemment, sans se lasser ; elles tranchent, elles scient, elles arrachent brin à brin et percent de la sorte un couloir juste suffisant pour le passage de la chenille.

Jules. — Et les débris du bois, que deviennent-ils ? Il me semble qu’ils doivent empêcher l’animal d’avancer, puisque la galerie est si étroite.

Paul. — Ils passent par le corps de la bête, qui