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V

LES GRANDS MANGEURS

Paul. — La larve mange gloutonnement pour amasser les matériaux que la métamorphose doit mettre en œuvre : matériaux pour les ailes, pour les antennes, pour les pattes et toutes ces choses que la larve n’a pas, mais que l’insecte doit avoir. Avec quoi le gros ver qui vit dans le bois mort et doit devenir un jour un cerf-volant, fera-t-il les énormes pinces branchues et la robuste cuirasse de l’insecte parfait ? Avec quoi la larve fera-t-elle les longues antennes du capricorne ? Avec quoi la chenille fera-t-elle les grandes ailes de la zeuzère ? Avec ce que la chenille, la larve, le ver, amassent maintenant, avec leurs économies en substance vivante.

Si le petit chat au nez rose naissait sans oreilles, sans pattes, sans queue, sans fourrure, sans moustaches, s’il était simplement une petite boule de chair, et qu’il dût un jour acquérir en une fois, tout en dormant, oreilles, pattes, queue, fourrure, moustaches, et bien d’autres choses, n’est-il pas vrai que ce travail de la vie nécessiterait des matériaux amassés par avance et tenus en réserve dans les graisses de l’animal ? Rien ne se fait avec rien ; le moindre poil