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LES RAVAGEURS

ainsi de suite en multipliant toujours par cinquante pendant neuf fois.

C’est encore ici le calcul du grain de blé du derviche, qui s’accroît avec une étourdissante rapidité à mesure que l’on multiplie par deux. Pour la famille du puceron, l’accroissement est bien plus rapide encore, car la multiplication se fait par cinquante. Il est vrai que le calcul s’arrête au dixième terme, au lieu d’aller jusqu’au soixante-quatrième. N’importe : le résultat vous saisit de stupeur : il est égal, en nombre rond, à quatre-vingt-dix-sept mille milliards. Devinez ce que couvriraient tous ces pucerons serrés l’un contre l’autre comme ils le sont sur les rameaux du rosier, c’est-à-dire occupant chacun environ un millimètre carré de surface ?

Émile. — Peut-être l’étendue de notre jardin.

Paul. — Notre jardin n’est rien, ni dix jardins pareils, ni cent, ni mille, pour la descendance d’un seul puceron à la dixième génération. Il faudrait le cinquième de l’étendue de la France, dont la superficie totale est de cinquante millions d’hectares.

Louis. — Voilà ce qui s’appelle une famille prospère.

Jules. — En six mois, un puceron couvrirait de sa descendance cette énorme étendue ?

Paul. — Oui, mon ami, si rien n’y mettait obstacle, si chaque puceron venait à bien et procréait en paix ses cinquante successeurs. Mais sur le rosier le plus paisible en apparence, c’est une extermination de tous les instants. Qu’un oisillon, à peine sorti du nid, vienne à découvrir un point hanté par les pucerons, et, rien que pour s’ouvrir l’appétit, il en