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LES ARPENTEUSES

droites, de renversées en arrière, de courbées en arc. Pas une ne bouge, pas une ne se lasse, dans ces positions incommodes, qui exigent une incroyable dépense de force de reins. Figurez-vous un de ces bateleurs à robustes poignets qui, les jours de foire, dans les baraques de saltimbanques, saisissent des deux mains une perche verticale et, sans autre appui, se soutiennent en l’air, le corps horizontal. Ainsi font les arpenteuses ; seulement l’homme est brisé de fatigue en quelques instants, tandis que la chenille persiste dans son équilibre toute la journée s’il le faut.

Émile. — Pourquoi s’amusent-elles à ces longs tours de force ?

Paul. — Ce n’est pas un jeu pour elles, c’est un moyen d’échapper aux regards de leurs ennemis. Par leur complète immobilité, leur raide position, leur couleur grisâtre, elles se confondent avec les menus rameaux secs, dont elles ont tout à fait l’aspect. À moins d’y regarder de bien près, chacun s’y laisse prendre, même les oiseaux, dont l’œil est si perçant.

Émile. — Ah ! les rusées ! Faire l’arbre droit et se tenir immobiles pour ressembler à de petits rameaux secs et tromper ainsi les regards des oiseaux qui viendraient vous croquer, est une idée qui me plaît beaucoup.

Paul. — Le nom d’effeuillante donné à la phalène vous indique sa manière de vivre avant d’être papillon. Sa chenille ronge les feuilles de tous les arbres fruitiers indifféremment et même d’autres arbres, tels que les chênes, les bouleaux, les tilleuls. Quand