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LES RAVAGEURS

Paul. — La barrière de goudron serait toujours là pour les arrêter. D’ailleurs les chenilles écloses à terre difficilement s’aviseraient de grimper sur l’arbre, où l’éclosion aurait eu lieu dans l’ordre habituel des choses. Tant qu’ils se trouvent dans les conditions habituelles de leur genre de vie, les insectes font preuve d’un instinct étonnant ; en dehors de ces conditions, ils ne savent plus rien faire.

La chenille de la phalène effeuillante est grise et rayée d’une bande longitudinale jaune de chaque côté. Elle a une étrange manière de marcher, qui lui est commune avec les chenilles des autres phalènes.

Ces chenilles sont longues, cylindriques et n’ont généralement que deux paires de fausses pattes très éloignées des pattes vraies de l’avant. Pour progresser, elles commencent par prendre appui sur les pattes antérieures, puis elles rapprochent les pattes postérieures en formant une boucle de leur corps. Alors les pattes antérieures, se détachant, vont saisir le rameau plus loin par une enjambée de la longueur de l’animal, et le corps se courbe une seconde fois en boucle par le déplacement des pattes de l’arrière. Ces enjambées singulières donnent à la chenille l’air d’un compas, qui marche en ouvrant ses deux branches et les fermant tour à tour. On dirait que l’animal arpente, mesure le chemin qu’il parcourt. C’est ce motif qui a fait donner aux chenilles des phalènes le nom de géomètres ou d’arpenteuses.

À ce trait de mœurs ajoutez le suivant. Fixées au rameau par les seules pattes de derrière, elles restent, des heures durant, le corps raide, immobile, dans les plus étranges postures. On en voit de