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LES RAVAGEURS

rides de l’écorce et les fissures du bois. C’est là que les chenilles restent engourdies et passent l’hiver. Au réveil de la végétation, dès que la vigne déploie ses premières pousses, elles quittent leur retraite, envahissent le cep et enlacent de fils soyeux les jeunes grappes et les feuilles naissantes, pour les brouter avec l’appétit que donne un jeûne de cinq à six mois. Les dégâts vont vite avec de telles affamées. En quelques semaines, quand cette engeance abonde, la plus belle vigne est mise dans un état pitoyable, et tout espoir de récolte est perdu. On se souviendra longtemps des ravages que la pyrale fit de 1835 à 1840 dans les vignobles de la Bourgogne. Sur des étendues immenses, quand venait le moment de la vendange, on ne trouvait pas une grappe à mettre dans le panier. La famélique chenille ruinait le pays.

Louis. — On n’essaya rien pour se délivrer du fléau ?

Paul. — On essaya divers moyens qui n’eurent pas grand succès ; enfin l’un réussit, le plus simple et le moins coûteux de tous. Remarquons en passant, mes amis, de quel avantage est pour nous la connaissance des mœurs d’un insecte qui nous fait du tort. Si l’on n’avait pas étudié la manière de vivre de la pyrale, si l’on n’avait pas su que sa chenille se blottit dans les fissures des ceps et des échalas, où tout l’hiver elle reste engourdie, les vignes seraient peut-être encore dévastées par leur terrible ennemi. Cette particularité de mœurs bien reconnue, le remède ne se fit pas attendre.

Il consiste à échauder, en hiver, les ceps et les échalas avec de l’eau bouillante. L’eau est chauffée