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XLII

ORTALIDE, DACUS, ANTHOMYE

Paul. — Qui ne connaît le ver des cerises ? Le fruit est de belle apparence, charnu, d’un noir pourpre, gonflé de suc. Au moment où vous allez le savourer, vous le sentez mollir du côté de la queue. Un soupçon vous vient. Vous ouvrez la cerise. Pouah ! Un ver immonde nage dans la pulpe corrompue. C’est fini ; les belles cerises ne vous tentent plus.

Et dire que nous ne pouvons rien encore contre cette abjecte vermine qui, tous les printemps, vient prélever la dîme de nos plus beaux cerisiers. Les mauvaises griottes, à chair aigre, volontiers nous sont laissées, le ver ne les aime pas ; mais les autres, à chair sucrée, sont sa part à lui. L’homme, si puissant dans les grandes choses, est d’une désolante impuissance dans les plus petites. Il va dans les mers glacées du pôle harponner l’énorme baleine, il poursuit le lion de l’Afrique et le tigre de l’Inde, il perce les montagnes pour s’ouvrir une voie souterraine, il tranche un isthme pour faire communiquer deux mers, il pèse le soleil, il change la face du monde… et il ne peut empêcher un asticot de lui manger les cerises.