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LES ICHNEUMONS

pas d’odeur. Et puis le plus difficile n’est pas de découvrir qu’une larve grasse à point est là, sous l’écorce, à telle ou telle autre profondeur ; il faut en outre savoir si l’œuf d’un autre ichneumon n’est pas déjà pondu dans le corps du ver convoité, car une seule larve serait insuffisante pour deux nourrissons. Un œuf déposé dans les graisses du ver ne se voit pas, ne s’entend pas, ne se sent pas ; c’est de pleine évidence. Cependant l’ichneumon ne plonge jamais sa tarière, à travers l’écorce, dans une larve déjà occupée. Comment fait-il pour se guider ? Je n’en sais rien, nul ne le sait. L’instinct a des ressources que notre entendement ne peut même soupçonner. Un ichneumon arrive sur le tronc d’un arbre. L’écorce parfaitement saine ne pourrait indiquer aux yeux les plus clairvoyants la présence de ce que recherche l’hyménoptère. N’importe, l’insecte a bientôt reconnu si l’emplacement est bon. Il explore les lieux, il les palpe avec ses antennes dans un continuel mouvement de vibration. Un point est choisi. L’ichneumon s’affermit sur les jambes, redresse le ventre, et, tenant verticalement la tarière, il en plonge la pointe dans une fissure imperceptible de l’écorce. Sa sonde descend, non sans hésitations et sans efforts, à cause des difficultés qui se rencontrent en chemin ; elle descend autant que le permet sa longueur. Le but est atteint, la pointe de l’instrument arrive dans les chairs du ver caché sous l’écorce. Une fois l’œuf conduit au fond de la plaie, l’hyménoptère retire son fil avec précaution pour ne pas le rompre, et va continuer sa ponte dans le corps d’autres larves.

Jules. — L’excessive longueur de ce fil, qui