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LES ANIMAUX VENIMEUX

rouges s’entourent d’un cercle livide. Avec de sourdes douleurs, la main s’enfle, et, de proche en proche, le bras. Bientôt des sueurs froides et des nausées surviennent ; la respiration se fait pénible, la vue se trouble, l’intelligence s’engourdit, une jaunisse générale se déclare, accompagnée de convulsions. Si l’on n’est pas secouru à temps, la mort peut arriver.

Jules. — Vous nous faites venir la chair de poule, mon oncle.

Louis. — On dit qu’il y a des vipères dans les broussailles des collines voisines.

Jules. — Que ferions-nous, misérables, si pareil malheur nous arrivait loin de vous, loin de la maison ?

Paul. — Dieu vous garde d’un tel malheur, mes pauvres enfants ! Mais enfin, s’il vous arrivait, il faudrait serrer, lier même le doigt, la main, le bras, au-dessus de la partie blessée, pour entraver la diffusion du venin dans le sang ; il faudrait faire saigner la plaie en exerçant des pressions tout autour ; il faudrait la sucer énergiquement pour en extraire le liquide venimeux. Je vous l’ai dit, le venin n’agit pas sur la peau. La succion est donc sans danger aucun si la bouche n’a pas d’écorchure. Il est visible que si, par une succion énergique et par une pression qui fait couler le sang, on parvient à extraire tout le venin de la plaie, la blessure est désormais sans gravité. Pour plus de sûreté, dès que c’est possible, on cautérise la plaie avec un liquide corrosif, eau-forte ou ammoniaque, ou même avec un fer rouge. La cautérisation a pour effet de détruire la matière venimeuse. C’est douloureux, j’en conviens, mais encore faut-il