Page:Les Ravageurs, Jean-Henri Fabre.djvu/243

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
211
LES HYMÉNOPTÈRES

ment avec une aiguille très fine, le mal est bien peu de chose et passe presque aussitôt. Eh bien, la piqûre d’une aiguille, insignifiante par elle-même, peut donner lieu à de très vives douleurs si la petite plaie est empoisonnée avec du venin d’abeille ou de guêpe. Les savants dont je vous parle trempent la pointe de l’aiguille dans la poche à venin de l’abeille, et de cette pointe, ainsi humectée de liquide venimeux, se font une légère piqûre. La douleur est alors de longue durée et très forte, encore plus que si l’insecte avait lui-même piqué l’expérimentateur. Ce surcroît de douleur provient de ce que l’aiguille, comparativement grossière, introduit dans la plaie bien plus de venin que ne peut le faire le délicat aiguillon de l’abeille. Vous le comprenez maintenant, je l’espère : c’est l’introduction du venin dans la blessure qui est cause de tout le mal.

Jules. — C’est visible.

Paul. — L’aiguillon de l’abeille est barbelé, c’est-à-dire armé de dentelures dirigées en arrière. Dans sa précipitation à fuir après avoir piqué, l’abeille ne parvient pas toujours, à cause de ces dentelures, à retirer l’aiguillon de la blessure ; elle s’envole en laissant dans la plaie l’arme arrachée du ventre, au péril de la vie. La poche à venin reste aussi. C’est le petit noyau blanc que l’on voit en dehors de la blessure à la base du dard. Si, voulant retirer l’aiguillon, on a la maladresse de presser sur cette poche, une plus grande partie de venin s’infiltre dans la plaie, et la douleur augmente. Vous êtes avertis : si jamais une abeille vous pique, retirez le dard avec précaution et gardez-vous de presser sur le réservoir du venin.