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LES RAVAGEURS

curieux avec son nez en tuyau de pipe et ses yeux louches !

Jules. — La bouche, où est-elle ?

Paul. — Tout à l’extrémité de ce qu’Émile appelle un long nez.

Jules. — Comment fait-il pour manger ? La nourriture doit avoir de la peine à passer dans ce tuyau plus délié qu’un fil.

Émile. — Oui, comment fait-il pour manger ? Je serais fort embarrassé s’il me fallait prendre la nourriture par le canal d’une paille de ma longueur.

Paul. — Forcément le charançon est sobre ; tout au plus boit-il avec son bec quelques gouttes du suc des noisetiers qu’il habite. Mais s’il est sobre lui-même, sa larve a bon appétit : il lui faut l’amande d’une noisette, toute l’amande. C’est précisément pour la lui donner que le charançon est pourvu du long bec qui vous étonne. L’insecte parfait, je vous le dis encore, vit pour sa future famille bien plus que pour lui-même ; il est principalement outillé en vue de l’avenir des larves. Si le charançon n’avait à songer qu’à sa propre nourriture, sa trompe serait on ne peut plus incommode ; mais il doit, avant tout, s’occuper du bien-être des larves, et alors le bec long et menu est un merveilleux outil, une fine vrille destinée à forer la coque de la noisette pour que l’œuf soit déposé sur l’amande et que la larve naisse au sein des provisions.

Jules. — Ce doit être un long travail pour une vrille aussi menue ?

Paul. — Nullement. Les petites mandibules placées au bout de la trompe mordent sur la coque