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LES RAVAGEURS

ou des pommes, il fait la récolte avant vous ; il n’attend même pas que les fruits soient mûrs, tant il craint d’arriver trop tard. En juin, il les perce avec sa trompe et dépose un œuf dans la chair. Les fruits piqués nourrissent quelque temps la larve, puis se dessèchent et tombent. Le ver alors émigre, il quitte la prune qui l’a nourri et s’enfonce dans la terre, pour reparaître au printemps suivant à l’état d’insecte parfait.

Émile. — Je veux savoir le nom de ce croque-prunes, pour lui faire l’accueil qu’il mérite.

Paul. — Fort mal à propos, on l’appelle rhynchite bacchus.

Jules. — Bacchus, s’il m’en souvient, est le dieu de la vigne.

Paul. — Précisément, et c’est en cela que consiste le côté défectueux du mot. Les premiers observateurs ont confondu, sans doute, le charançon des prunes et des poires avec celui de la vigne, et ont donné au premier le nom qui convient au rouleur de cigares. Le mal est fait, nous n’y pouvons rien ; gardons les noms tels qu’ils sont, mais ne prenons pas l’un pour l’autre deux charançons très différents de noms et d’aspect. Le rhynchite qui roule les feuilles de la vigne est sans poils et d’un vert doré ; le rhynchite bacchus est tout velu et d’un violet brillant. Pour éviter toute confusion, entre nous pourquoi ne l’appellerions-nous pas le rhynchite des prunes ou des poires ?

Louis. — Je préfère ce nom.

Émile. — Moi, je l’appellerai tout court le pique-prunes.