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LES RAVAGEURS

feuilles, des grappes et des vrilles, les feuilles inférieures pendaient flétries ou sèches et roulées en forme de cigares. Tout à côté se rencontrait souvent un insecte à long bec, un charançon d’un splendide vert métallique. À coup sûr, le beau charançon était l’auteur du mal. Insectes et cigares furent bientôt recueillis, les insectes surtout, si brillants au soleil. Survint en ce moment Jean le Borgne, le maître de la vigne.

Jean. — Que fais-tu là, petit ?

Jules. — Je prends quelques-uns de ces insectes qui vous font du dégât.

Jean. — Voyons voir tes bêtes ?

Jules. — Les voici.

Jean. — Et tu dis qu’elles me gâtent la vigne ?

Jules. — Je le crois. Je viens d’en voir travailler à ces espèces de cigares.

Jean. — Ah bah ! nigaud, que veux-tu que des bêtes s’amusent à faire des cigares avec des feuilles ? Elles ne fument pas. C’est la lune qui a rôti mes pampres, c’est la lune.

Et, satisfait de son explication, Jean le Borgne tourna les talons en sifflant un air. Il ne sifflait plus quand, trois ans plus tard, il lui fallut arracher les ceps épuisés par les rouleurs de cigares, mais il n’en démordait pas : la lune avait fait le mal.

De retour du moulin, Jules prit Louis en passant pour le faire profiter de ce que pourrait raconter l’oncle sur la capture de la journée.

Paul. — L’insecte trouvé sur la vigne est bien un charançon. Vous vous rappelez tous qu’on donne ce nom aux divers coléoptères dont la tête se prolonge