Page:Les Ravageurs, Jean-Henri Fabre.djvu/142

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
122
LES RAVAGEURS

courir de çà et de là sur les branches. Repues, elles se rendent sur le haut de la tente et s’y disposent les unes à côté des autres comme sur une terrasse pour y prendre l’air. S’il vient à passer une guêpe ou tout autre insecte redoutable pour elles, les chenilles s’agitent brusquement, donnant des coups de tête à droite et à gauche pour effaroucher l’ennemi. Quand vient la fraîcheur, elles quittent la terrasse et rentrent dans leur appartement pour y passer la nuit.

De temps à autre, des expéditions sont entreprises sur la branche pour aller brouter autre part ; on économise ainsi les vivres de l’intérieur. Dans ces voyages, elles cheminent en procession à la file les unes des autres, comme celles du pin, mais avec moins de régularité. Il y a pêle-mêle des rangs d’une chenille, de deux, de trois, de quatre ; toutes s’avancent d’un pas égal et tranquille, comme les gens d’une colonie qui déménage et va chercher ailleurs un établissement ; toutes, d’un mouvement régulier, portent à tour de rôle la tête à droite et à gauche en bavant un fil qu’elles collent de distance en distance pour se faire une route de soie. Parfois la procession est interrompue par des chenilles qui font halte. Parfois la longueur du voyage lasse les moins aventureuses ; alors la procession s’arrête et les chenilles s’attroupent, sans doute pour délibérer en ces graves occurrences. La décision prise, les unes s’en retournent au nid par le chemin de soie, les autres poursuivent la route.

On arrive. Si l’emplacement exploré leur convient, si les feuilles y sont abondantes et tendres, on se le dit, et toutes déménagent de la première station. Les