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LES RAVAGEURS

processionnaires du pin, mais il n’est pas nécessaire de prendre autant de précautions, parce que les poils de ces chenilles ne sont pas aussi dangereux.

Jules. — Elle est bien curieuse, cette chenille du chêne, avec ses processions où l’on marche plusieurs de front ; mais je n’aime pas ses poils. La peau me cuit rien que d’y songer. Elle doit avoir pourtant ses ennemis ; vous nous avez dit que chaque espèce a les siens.

Paul. — Elle en a, et de terribles, qui se moquent de ses poils à pointe recourbée et la croquent comme si de rien n’était. C’est d’abord un gros carabique, le plus bel insecte de nos pays. Sa longueur atteint un pouce. La tête et le corselet sont d’un bleu sombre ; les élytres, larges et gracieusement contournées en forme de cœur à l’extrémité, sont d’un splendide vert doré avec les reflets rouges du cuivre poli. Cette riche cuirasse vous éblouit quand on la regarde au soleil. Ce carabique se nomme calosome, qui veut dire beau corps. Les chenilles n’ont pas d’ennemi plus acharné. Il grimpe au haut des arbres et fait sa ronde d’une branche à l’autre. Dans son ardeur pour la chasse, il exhale une odeur forte que l’on sent à dix pas. S’il rencontre une chenille, si grosse qu’elle soit, il la saisit par un pli de la peau, l’éventre et lui dévore les entrailles. Gare aux chenilles du chêne, s’il vient à surprendre leur procession ! C’est un loup dévorant qui tombe au milieu d’un imbécile troupeau.

Sa larve fait mieux. Elle ressemble à celle du carabe doré, mais elle est plus grande et d’un beau noir velouté. Elle s’établit dans le nid des proces-