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LA PROCESSIONNAIRE DU PIN

passer d’un pin à l’autre, ces chenilles marchent d’une façon singulière, qui leur a valu le nom de processionnaires, parce qu’en effet elles défilent en procession, à la suite l’une de l’autre, et dans le plus bel ordre.

L’une d’elles, la première venue, car il y a entre elles égalité parfaite, l’une d’elles se met en route et sert de chef d’expédition. Une seconde la suit, sans intervalle entre les deux ; une troisième suit la seconde de la même façon ; et toujours ainsi tant qu’il y a des chenilles dans le nid. La procession, au nombre de plusieurs centaines d’individus, est maintenant en marche. Elle défile sur une seule ligne, tantôt droite, tantôt sinueuse, mais toujours continue, car chaque chenille qui suit touche de sa tête l’extrémité postérieure de la chenille qui précède. La procession figure sur le sol une longue et gracieuse guirlande, qui ondule à droite et à gauche, sous des aspects d’un moment à l’autre changeants. Lorsque plusieurs nids s’avoisinent et que leurs processions viennent à se rencontrer, le spectacle atteint tout son intérêt. Alors les diverses guirlandes vivantes se croisent, s’emmêlent et se démêlent, se nouent et se dénouent, en formant les figures les plus capricieuses. La rencontre n’amène pas de confusion. Toutes les chenilles d’une même file marchent d’un pas uniforme et presque grave ; aucune ne se presse pour devancer les autres, aucune ne demeure en arrière, aucune ne se trompe de procession. Chacune garde son rang et règle scrupuleusement sa marche sur celle qui précède. La chenille chef de file de la troupe dirige les évolutions. Quand elle tourne à