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LE ZABRE

périt sous les crocs de ses mandibules : la fauvette doit manger, et le zabre est croqué ; la couleuvre doit manger, et la fauvette expire sous les plis du reptile ; l’autour doit manger, et la couleuvre est déchirée par les serres de l’oiseau de proie ; d’autres encore doivent manger qui feront pâture de l’autour et serviront eux-mêmes de pâture jusqu’à ce que se ferme, pour recommencer encore, le cercle fatal de dévorants et de dévorés, où la plante est toujours la première victime. C’est vous dire que chaque espèce a ses ennemis, à nous connus ou inconnus ; le zabre a les siens, je n’en fais aucun doute, il a ses mangeurs qui l’empêchent d’atteindre en nombre des proportions calamiteuses. Or, vous comprenez bien que la prospérité du mangeur dépend de l’abondance du mangé ; des vivres copieux appellent de nombreux convives. Si donc une année les zabres pullulent, les espèces chargées de les maintenir dans des limites convenables se multiplient pareillement parce que la nourriture abonde, et finissent par exterminer les premiers, sauf quelques rares couples échappés par hasard. Qu’il en survive un sur cent mille, et cela suffit pour perpétuer la race. De quelques années on n’entend plus parler des zabres ; on dirait l’espèce anéantie.

Émile. — Mais les mangeurs restent.

Paul. — Pas du tout : d’autres les croquent ou ils périssent de faim parce que les vivres manquent, de sorte qu’après avoir rempli leur mission, ils disparaissent à leur tour, et les choses rentrent dans l’ordre.

Jules. — Les zabres non inquiétés vont donc peu