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LES RAVAGEURS

Paul. — Les teignes sont des papillons dont les chenilles se fabriquent une maison ambulante, un fourreau qu’elles traînent après elles et qui les recouvre presque en entier. Celle des greniers construit le sien avec des grains de blé agglutinés entre eux ; d’autres en veulent aux étoffes de laine, aux fourrures, aux plumes, au crin dont elles se nourrissent, en même temps qu’elles s’en font un étui pour demeure.

Émile. — Il y a des chenilles qui se nourrissent de crin, de plumes, de drap ?

Paul. — Il n’y en a que trop. Si mère Ambroisine n’y veillait, telle de ces chenilles se régalerait avec votre culotte.

Émile. — Ce doit être pourtant de peu de goût, et difficile à digérer.

Paul. — Je ne dis pas, mais les chenilles ont un estomac qui s’en accommode très bien. Celle qui mange la bourre et digère le crin ne connaît rien de meilleur au monde ; celle qui ronge le vieux cuir se garderait bien de donner un coup de dent à la poire, au fromage, au jambon, choses détestables pour elle. Ainsi des autres. Les larves, je vous le disais un jour, sont les grands mangeurs de ce monde ; tout, ou peu s’en faut, leur passe par le ventre. Elles ont donc, suivant le métier qu’elles sont destinées à faire, un estomac à se nourrir des substances les moins nutritives. Celles des teignes ont pour leur menu les peaux, les cuirs, le drap, la bourre, le crin, la laine, les plumes. À l’état parfait, ces destructeurs de nos étoffes, de nos habillements, de nos fourrures, sont de délicats papillons, généralement blanchâtres, qui viennent, le soir, se brûler les ailes autour de la