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le caractère dans l’écriture.

Il en résulte que la figure d’Eyraud, qui seule nous intéresse pour le moment, est restée un peu dans l’ombre. Cependant nous avons assez de détails sur lui pour deviner ce qu’il vaut. Ce grand gaillard est un agent d’affaires véreux, un hâbleur, un ergoteur, un vaniteux, qui parle de lui avec complaisance et veut se faire passer pour une âme délicate et candide ; ajoutons à cela qu’il est sans scrupules, il menace, il est cruel, il est violent ; jusqu’au pied de l’échafaud il repousse le prêtre avec une expression menaçante, et ses dernières paroles sont pour injurier et maudire. Quant à la question de savoir si c’est lui qui a exercé son influence sur Gabrielle Bompard, si c’est lui qui l’a suggestionnée ou terrorisée, ou si, au contraire, il a été subjugué par une maîtresse à laquelle il n’osait rien refuser, il n’y a pas moyen de répondre exactement ; les deux opinions ont été soutenues avec des raisons très plausibles.

Le document graphique que je publie ici, est une lettre qu’Eyraud écrit sous un faux nom au vice-consul de Russie à San Francisco. Il parle de lui à la troisième personne, comme de quelqu’un qu’il connaîtrait. Il me paraît extrêmement difficile de décider si ce nom d’Eyraud, qui revient quatre fois dans la lettre a pu donner aux experts l’idée qu’ils avaient sous leurs yeux l’écriture de ce célèbre assassin. Les experts n’ont ajouté aucune réflexion à leur étude. Si j’avais été à leur place, qu’aurais-je pensé ? Il me semble[1] que j’aurais cru avoir affaire à Eyraud, à la condition que, d’autre part, j’eusse déjà l’idée, le soupçon, que les séries contenaient de l’écriture d’assassin ; sinon, non.

Le portrait d’Eyraud par M. Crépieux-Jamin est court, trop court, mais bien caractéristique.

  1. M. Crépieux-Jamin fait, à ce propos, cette remarque intéressante :
    « Il vous semble mal…
    « J’avais en premier lieu supposé qu’il s’agissait d’un paralytique général, tant il y avait de désordre dans cette écriture. Le nom d’Eyraud ne m’a pas frappé pour la première raison qu’il était illisible. Ensuite l’autographe parle de Eyraud non à la 3e personne seulement, mais franchement comme d’une autre personne, et de façon désobligeante.
    «Quand vous dites qu’il vous paraît difficile de décider si vos experts ont eu l’idée d’Eyraud et qu’à leur place il vous semble que vous auriez eu cette idée, vous vous exposez aux plus vives critiques. Il fallait alors couvrir ce nom d’Eyraud, mais vous n’avez pas le droit de transformer ce fait en arme à deux tranchants.
    « Personnellement, je n’ai eu aucune espèce d’idée que j’avais sous les yeux l’écriture d’Eyraud, et cette écriture est suffisamment expressive de mauvais instincts pour que les succès des experts n’étonnent personne. »
    Il faut que je réponde. Évidemment, j’aurais mieux fait de couvrir le nom d’Eyraud. J’ai cru d’abord que comme il parlait de lui à la 3e personne, les experts ne lui attribueraient pas cet autographe ; et c’est en effet ce qui est arrivé à M. Crépieux-Jamin. Puis, j’ai eu un scrupule, je me suis demandé ce qu’on a pu lire dans mon texte. Scrupule tardif, je n’en disconviens pas. Qu’y faire ? Je le dis, je l’avoue, puisque, dans une étude comme la nôtre, on doit tout mettre au jour.