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une galerie d’assassins jugés d’après leur écriture.

réduit à la dernière extrémité, et déconcerté par le départ imprévu de sa complice, il erra de New-York à Philadelphie, du Mexique à La Havane, changeant de nom à chaque étape.

Aussi incapable de remords que sa maîtresse, il vécut d’escroqueries, courut les lieux de débauche, et rédigea pour un journal la relation audacieusement mensongère de la mort violente de Gouffé. Puis, reconnu à La Havane, il y fut arrêté par la police espagnole. Il fut écroué à Paris le 30 juin 1890. Après quelques vaines réticences, il fit des aveux, et ses déclarations réitérées, jointes à celles de Gabrielle, permettent de reconstituer le drame sanglant du 26 juillet 1889.

Eyraud est représenté par les témoins comme un homme sans moralité, sans probité, violent et capable de tout. Déserteur devant l’ennemi, chevalier d’industrie, il se ruine en débauches, commet des escroqueries de toutes sortes, jusqu’au moment où rencontrant Gabrielle Bompard sur le trottoir du boulevard, il vit de la prostitution de cette femme ; l’idée lui vient de se servir d’elle pour attirer quelque opulent débauché à un rendez-vous galant, avec l’intention de le dépouiller, vivant ou mort.

Tous les faits de l’instruction montrent avec quel soin le crime fut prémédité : location d’un petit appartement dans une rue déserte, achat d’une grande malle pour y cacher le cadavre, achat d’une fausse barbe, d’une corde de 4 mètres, d’une poulie et d’un moufle. On fait des préparatifs dans une chambre de la rue Tronçon-Ducoudray, au fond de la cour. On a augmenté la solidité de la malle en la faisant doubler par deux bandes de fer. Eyraud se procure un fort clou carré, un porte-mousqueton, et un morceau de toile cirée destinée à empêcher le sang et les déjections de se répandre.

La victime choisie est un huissier, le nommé Gouffé, homme de mœurs légères, qui depuis quelque temps poursuit Gabrielle de ses assiduités. Gabrielle se met, le matin, après déjeuner, sur le chemin de son étude, pendant qu’Eyraud se tient à l’écart dans un café. Postée dans la rue, cette fille rencontre Gouffé, l’aborde, et se fait désirer, accorde une promesse, et finalement on convient de se rencontrer à huit heures du soir place de la Madeleine.

L’après-midi fut consacrée aux derniers préparatifs. Eyraud emprunta un marteau et enfonça le clou dans une poutre formant traverse à l’entrée de l’alcôve ; à l’intérieur de cette alcôve il posa le moufle et la poulie, agença la corde ; la fille Bompard tenait l’escabeau. Ensuite, à l’extrémité de la corde, ils attachèrent le porte-mousqueton, en prenant les précautions les plus minutieuses. Une chaise longue fut placée contre l’angle de l’alcôve de telle sorte qu’un homme allongé sur ce siège devait avoir la tête à proximité de la corde et du mousqueton.

À sept heures et demie du soir Eyraud s’embusquait dans l’alcôve. Gabrielle arrivait bientôt, en ramenant Gouffé.

Celui-ci causait et plaisantait en pénétrant dans le petit salon où elle lui avait promis le plaisir[1]. Comme tous les autres sièges avaient été soi-

  1. Ces détails de la scène, je les extrais de l’acte d’accusation, ils sont probables, non certains, puisque la scène n’a pas eu d’autres témoins qu’Eyraud et la fille Bompard. Un magistrat a supposé que c’est quand Gouffé était couché dans le lit qu’on l’a étranglé.