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le caractère dans l’écriture.

Eyraud, l’assassin de l’huissier Gouffé.

M. le professeur Lacassagne a publié sous le titre de « l’affaire Gouffé[1] » un compte rendu très complet de cette affaire, qui a si fortement passionné l’opinion publique. Cela s’explique. Il faut dire qu’elle débuta avec les allures mystérieuses d’un roman de Gaboriau. D’abord, c’est un huissier parisien, appelé Gouffé, qui disparaît ; il ne rentre pas chez lui, où l’attendent ses deux filles, il ne se montre pas à son étude. On constate que le premier jour de sa disparition un inconnu a ouvert la porte de son étude, au moment où elle était déserte, et y a fait des recherches, attestées par une dizaine d’allumettes-bougies qui, à demi consumées, ont été jetées sur le parquet.

Quinze jours après, le 13 août 1889, on découvre sur un glacis boisé, dans la commune de Milléry, près de Lyon, un sac de toile cirée contenant un cadavre en état complet de putréfaction ; plus loin, on ramasse une petite clef. Le cadavre est montré à des parents de Gouffé, qui malheureusement ne le reconnaissent pas ; pourtant c’était bien lui.

Le surlendemain, dans une commune voisine, on trouve au fond d’un fossé, une grande malle brisée ; il se trouve que la clef ramassée à Millery ouvre la serrure de cette malle ; de plus la malle exhale la même odeur infecte que le cadavre. Elle porte une étiquette qui prouve qu’elle a voyagé, par chemin de fer, de Paris à Lyon, le 27 juillet 1888 ou 1889, le dernier chiffre étant un peu effacé. On consulte un expert local qui croit lire 1888 ; or c’était faux, la malle avait réellement voyagé en 1889.

Pour entraver encore la marche de la justice, voilà qu’un cocher de fiacre de Lyon, le nommé Laforge, cédant au désir insensé de jouer un rôle, s’avise de produire un récit mensonger du transport de la malle sur sa voilure. Pressé de questions, il alla jusqu’à dénoncer trois individus qui étaient sous les verrous pour un autre crime. Cette déplorable imposture fit encore perdre du temps.

Heureusement qu’à Paris une information bien dirigée réunissait tous les renseignements possibles sur Gouffé, sa taille, sa conformation, ses particularités physiques, ses relations mondaines ; et on arrivait ainsi à établir qu’il avait fait la connaissance d’une fille galante, Gabrielle Bompard, qui vivait avec un homme plus que suspect, Michel Eyraud, et que ceux-ci avaient quitté précipitamment Paris le jour même où Gouffé disparaissait. Les médecins légistes de Lyon, et notamment le professeur Lacassagne, éclairés par les documents multiples qui leur étaient transmis de Paris, n’hésitaient pas à conclure que le cadavre trouvé à Millery était bien celui de l’huissier.

La vérité était donc connue, la justice possédait les noms des coupables. On s’efforça d’opérer leur arrestation ; on les chercha à Londres, puis à New-York, où il furent manqués de quelques jours seulement. Puis on perdit leur trace. Six mois après, le 22 janvier 1890, Gabrielle Bompard se présentait spontanément à la préfecture de police et faisait la révélation de son crime. Elle avait abandonné Eyraud en Amérique. Quant à lui,

  1. Lyon, Storck ; 1891. Nous faisons, pour établir notre résumé, de larges emprunts à l’acte d’accusation.