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nécessité de mieux définir les signes graphologiques.

On peut imaginer à ce propos deux hypothèses, ce me semble.

La première, c’est que la graphologie est une affaire d’intuition, rien de plus, rien de moins. On ne peut pas mesurer, décomposer, objectiver les caractères d’une écriture, on les sent, ils se révèlent. C’est, si l’on veut, une affaire d’œil, comme pour juger une peinture, ou pour cuber un arbre debout. Le raisonnement graphologique est presque un luxe ; il ne vient qu’après coup, lorsque le travail d’intuition est terminé, il ne guide pas ce travail, mais il peut le contrôler, le raffiner, l’améliorer en somme, ou quelquefois aussi le gâter. Et — pour continuer notre hypothèse — si la graphologie est un art d’intuition, c’est que cela dérive de la nature des choses ; il y a dans l’écriture des caractères généraux, fondamentaux, que certaines gens seulement perçoivent, et qui sont de la nature de l’inexprimable ; et ces caractères-là commandent tout le reste. Je crois bien que cette opinion est celle de M. Paulhan.

Une autre hypothèse exprimerait mieux la pensée de M. Crépieux-Jamin. Il n’y aurait dans l’écriture rien d’inexpressible, car ce ne sont que des formes, et toute forme est analysable ; seulement, ce n’est pas le signe individuel qui est significatif, c’est un ensemble ; et cet ensemble résulte d’abord des signes individuels et de leur degré, c’est incontestable ; mais il résulte aussi de leurs relations ; on peut supposer qu’un signe en neutralise un autre, ou que deux signes coexistants peuvent s’additionner, quelquefois même se multiplier, ou donner lieu, comme par combinaison chimique, à une résultante qui est de toute autre nature que les éléments composants ; ou encore qu’un signe d’un intérêt dominateur efface tous les autres [1]. Ce n’est pas mon affaire de trancher ces questions très délicates de théorie. Mon rôle est de contrôler la graphologie, et c’est déjà bien assez. Mais mon

  1. De M. Crépieux-Jamin : « Vous avez très clairement rendu ma pensée, c’est parfaitement mon avis. En dernière analyse, l’écriture est une forme qu’on peut mesurer dans toutes les directions. Seulement les mesures sont si compliquées que l’analyse rigoureuse, compas en main, serait interminable, tandis qu’avec un peu d’habitude on arrive à apprécier rapidement et assez exactement. » Quelque temps après, M. Crépieux-Jamin m’écrit encore : « Je crois que la graphologie est une science possible, comme la médecine, qui reste un art dans la pratique. Et pour les mêmes raisons très complexes, il n’y a pas plus de graphologues impeccables que de médecins. »