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Fénelon, par ses chants, adoucit ma tristesse ;
J’écoute Montesquieu, je consulte Boileau.
Et cependant, perdu dans ce monde nouveau,
Je renais au bonheur ; ma douleur affaiblie
De mon cœur pas à pas se retire, et j’oublie
Quels appuis le destin au berceau m’a ravis,
Pour voir combien le ciel me laisse encor d’amis.
Douce et tendre amitié qui n’a pas de mécompte,
Que n’interrompt jamais le caprice ou la honte,
Qu’affermit le malheur et que nourrit le temps ;
Amis sûrs, sans rigueur pour mes goûts inconstants,
Que je quitte et reprends, que j’appelle et repousse,
Sans que d’un jour d’oubli leur bonté se courrouce,
Prêts à m’aider encor, si dans leurs doux liens
Mon cœur veut revenir, et toujours j’y reviens.

Mais que fais-je, et pourquoi d’une voix indiscrète
Célébrer en ces vers les plaisirs du poète,
Quand l’art de Guttemberg, pour de plus grands bienfaits,
Réclame de mon luth les accents imparfaits.
Suppléant la parole, il donne à la pensée
De l’antique Forum la puissance passée,
L’érigé en souveraine ; et ces grands mouvements
Changent de caractère en changeant d’instruments.
La parole agit vite ; elle surprend, enlève :
Son œuvre en un moment et commence et s’achève ;