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Par la voix des docteurs au feu le condamna,
Et contre lui la chaire au nom du ciel tonna[1].
Ainsi tout grand bienfait en naissant fut un crime,
Tout grand génie un fou, souvent une victime,
Et depuis Dieu qui vint, subissant notre sort,
Instruire par sa vie et sauver par sa mort,
Jusqu’aux sages mortels dont les vives lumières
Au jour de la raison ouvrirent nos paupières,
Toujours le Monde, sourd à ces sublimes voix,
Eut pour ses bienfaiteurs des bûchers et des croix.
Mais le juste meurt-il ? Ainsi l’imprimerie
De ses persécuteurs surmonte la furie
Et poursuivant son cours, des antiques écrits
Offre aux siècles nouveaux les précieux débris ;
De Byzance héritière, elle naît et s’avance
Entre un Monde détruit, un Monde qui commence,
Et, relevant l’éclat de cet âge éclipsé,
Fait marcher le présent au flambeau du passé :
De ces morts ranimés l’éloquence suprême
Révèle en l’éclairant ce grand siècle à lui-même,
Du besoin de penser tourmente son sommeil,
L’agite, l’inquiète ; et hâtant son réveil,

  1. Cette accusation contre l’Église nous semble gratuite. Nous n’avons vu nulle part qu’à l’exemple du Parlement et de la Sorbonne, elle ait
    persécuté les premiers imprimeurs.