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S’élève à ces exploits que notre orgueil publie :
Morts pour la liberté, la gloire les oublie ;
Leur sang demeure esclave, et leurs tristes lambeaux
Pour vœux ont le blasphème, et les mers pour tombeaux.

Au pied d’un mât cruel l’Africaine enchaînée,
Dans un hymne de mort pleurant leur destinée,
A sa langue plaintive ouvrait un libre cours,
Prête à lui demander d’homicides secours.
Toutefois sur sa fille abaissant sa paupière,
Un moment elle hésite… Hélas ! elle était mère ;
Elle aimait trop encore pour mourir sans regret.
Mais, quand Belmar vainqueur à ses yeux reparaît :
« Ah ! dit-elle, aux fureurs de cette race infâme,
« Quoi ! j’abandonnerais et ta fille et ta femme,
« Sélim ! Non, je saurai briser ce joug fatal.
« Enfant, réjouis-toi ! sous le palmier natal,
« Ce soir tu reverras le plus tendre des pères.
« Et toi, qui nous ravis jusques au nom de frères,
« Qui pour nous opprimer cherches à nous flétrir,
« Blanc, connais-nous du moins en nous voyant mourir ;
« Vois par quelle vertu, sous ces fers qu’il abhorre,
« Maître de son trépas, l’esclave est libre encore. »
Néali, sur sa fille à ces mots s’élançant,
Cruelle par pitié, l’étouffe en l’embrassant,