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De leurs maux épanchés douce consolatrice,
Il en fait l’instrument de son dernier supplice,
Et d’obscures douleurs à nos yeux attaqué,
Tombe, en l’engloutissant dans son sein suffoqué.

Je vois les Blancs frémir, et, moins humains qu’avares,
Arracher l’Africain à ses tourments barbares,
Ouvrir l’affreux cachot, rendre à son œil flétri
Ce ciel pur, ce soleil dont les feux l’ont nourri.
Ils voudraient par les jeux ranimer sa tristesse ;
Mais ces infortunés, que la terreur oppresse,
Au doux bruit des concerts qui charmaient leurs beaux jours,
Sur leur chaîne étendus, restent muets et sourds :
Alors un fouet cruel, que la fureur déploie,
Inflige à leur misère et la danse et la joie.

De son tube fumant s’enivrant à longs traits,
Le Négrier sur eux porte des yeux distraits :
« Ils sont noirs. La nature à ces âmes grossières
« Refusa nos penchants, nos vertus, nos lumières ;
« Esclaves abrutis par leurs premiers liens,
« C’est pour eux un bonheur de servir des Chrétiens ! »

Ainsi pensait Belmar. Une jeune Africaine
Fixe pourtant les yeux de l’altier capitaine.
Les captives pleuraient. Calme dans sa douleur,
Elle seule opposait le courage au malheur ;