Niger, à tes enfants révélait sa lumière !
Si, de ce don sacré libérale héritière,
L’Europe… ah ! trop longtemps, sourde aux cris du remord,
L’Europe n’eut pour eux que les fers et la mort.
Voyez-vous ce vaisseau qui sur les mers profondes
Vogue du Sénégal vers ces îles fécondes
Où pour nous des roseaux coule un miel savoureux ?
Il emporte à l’exil des captifs malheureux.
Dans ce cachot flottant l’avarice inhumaine,
Plus serrés qu’au tombeau, les presse et les enchaîne.
L’air mugit, la mer s’enfle, et leurs membres heurtés
Sur le bois déchirant roulent ensanglantés.
Un vertige inconnu, triste enfant des tempêtes,
Promène ses douleurs dans leurs flancs, dans leurs têtes,
Et l’amour du pays, en fléau transformé,
Fièvre avide, s’attache à leur sein consumé.
A chaque instant, la mort au fond de cet abyme
Descend silencieuse et marque sa victime.
Ah ! ne les plaignez pas ! Dans leur adversité
La mort, c’est l’espérance, et c’est la liberté.
L’on dit même, l’on dit que l’esclave intrépide,
Sans armes, sans secours, par un art homicide,
D’un éternel repos sait s’ouvrir les chemins ;
Cette langue, interprète et lien des humains,
Page:Les Poètes lauréats de l’Académie française, tome 1, 1864.djvu/364
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