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LES MILLE ET UNE NUITS,

peu satisfait de moi que j’étois mal satisfaite de lui. Dans le dépit où j’étois, je m’élançai au fond de la mer, et j’allai aborder à l’isle de la Lune.

» Nonobstant le cuisant mécontentement qui m’avoit obligée de venir me jeter dans cette isle, je ne laissois pas d’y vivre assez contente, et je me retirois dans les lieux écartés où j’étois commodément. Mes précautions néanmoins n’empêchèrent pas qu’un homme de quelque distinction, accompagné de domestiques, ne me surprît comme je dormois, et ne m’emmenât chez lui. Il me témoigna beaucoup d’amour, il n’oublia rien pour me persuader d’y répondre. Quand il vit qu’il ne gagnoit rien par la douceur, il crut qu’il réussiroit mieux par la force ; mais je le fis si bien repentir de son insolence, qu’il résolut de me vendre, et il me vendit au marchand qui m’a amenée et vendue à votre Majesté. C’étoit un homme sage, doux et humain ; et dans le long voyage qu’il me fit