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CONTES ARABES.

mais seulement de présenter la joue, et que ce seroit une affaire bientôt faite. J’avois tant d’envie d’avoir l’étoffe, que je fus assez simple pour suivre ce conseil. La vieille dame et mes femmes se mirent devant, afin qu’on ne me vît pas, et je me dévoilai ; mais au lieu de me baiser, le marchand me mordit jusqu’au sang. La douleur et la surprise furent telles, que j’en tombai évanouie, et je demeurai assez long-temps en cet état, pour donner au marchand celui de fermer sa boutique et de prendre la fuite. Lorsque je fus revenue à moi, je me sentis la joue toute ensanglantée. La vieille dame et mes femmes avoient eu soin de la couvrir d’abord de mon voile, afin que le monde qui accourut, ne s’aperçût de rien, et crût que ce n’étoit qu’une foiblesse qui m’avoit prise…

Scheherazade, en achevant ces dernières paroles, aperçût le jour, et se tut. Le sultan trouva ce qu’il venoit d’entendre assez extraordinaire, et se leva fort curieux d’en apprendre la suite.