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LES MILLE ET UNE NUITS,

des vivres qui me restoient, qu’autant qu’il en falloit naturellement pour soutenir ma vie. Mais avec quelque frugalité que je pusse vivre, j’achevai de consommer mes provisions. Alors, sans que je pusse m’en défendre, un doux sommeil vint saisir mes sens. Je ne puis vous dire si je dormis long-temps ; mais en me réveillant, je me vis avec surprise dans une vaste campagne, au bord d’une rivière où mon radeau étoit attaché, et au milieu d’un grand nombre de noirs. Je me levai dès que je les aperçus, et je les saluai. Ils me parlèrent, mais je n’entendois pas leur langage.

En ce moment je me sentis si transporté de joie, que je ne savois si je devois me croire éveillé. Étant persuadé que je ne dormois pas, je m’écriai, et récitai ces vers arabes :

« Invoque la toute-puissance, elle viendra à ton secours : il n’est pas besoin que tu t’embarrasses d’autre chose. Ferme l’œil, et pendant que tu dormiras, Dieu changera ta fortune de mal en bien. »