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CONTES ARABES.

du peu de lumière qui venoit d’en haut, la disposition de ce lieu souterrain. C’étoit une grotte fort vaste, et qui pouvoit bien avoir cinquante coudées de profondeur. Je sentis bientôt une puanteur insupportable qui sortoit d’une infinité de cadavres, que je voyois à droite et à gauche ; je crus même entendre quelques-uns des derniers qu’on y avoit descendus vifs, pousser les derniers soupirs. Néanmoins, lorsque je fus en bas, je sortis promptement de la bière, et m’éloignai des cadavres en me bouchant le nez. Je me jetai par terre, où je demeurai long-temps plongé dans les pleurs. Alors, faisant réflexion sur mon triste sort : « Il est vrai, disois-je, que Dieu dispose de nous, selon les décrets de sa providence ; mais, pauvre Sindbad, n’est-ce pas par ta faute que tu te vois réduit à mourir d’une mort si étrange ? Plût à Dieu que tu eusses péri dans quelqu’un des naufrages dont tu es échappé, tu n’aurois pas à mourir d’un trépas si lent