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CONTES ARABES.

d’une amante aussi tendre et aussi passionnée que je le suis ! Ô toi qui me reproches que je suis trop inhumaine quand je te fais sentir les effets de mon ressentiment, cruel prince, ta barbarie ne surpasse-t-elle pas celle de ma vengeance ? Ah traître, en attentant à la vie de l’objet que j’adore, ne m’as-tu pas ravi la mienne ? Hélas ! ajouta-t-elle, en adressant la parole au sultan, croyant parler au noir, mon soleil, ma vie, garderez-vous toujours le silence ? Êtes-vous résolu à me laisser mourir sans me donner la consolation de me dire encore que vous m’aimez ? Mon ame, dites-moi au moins un mot, je vous en conjure. »

Alors le sultan, feignant de sortir d’un profond sommeil, et contrefaisant le langage des noirs, répondit à la reine, d’un ton grave : « Il n’y a de force et de pouvoir qu’en Dieu seul, qui est tout-puissant. » À ces paroles, la magicienne, qui ne s’y attendoit pas, fit un grand cri pour marquer l’excès de sa joie.