Page:Les Mille et Un Jours, trad. Pétis de la Croix, 1919.djvu/99

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
83
CONTES ORIENTAUX

Couloufe ? lui dit-il d’abord qu’il l’aperçut. Qu’as-tu fait hier ? Pourquoi n’as-tu pas paru ? — Seigneur, lui répondit le favori, quand votre majesté saura l’aventure qui m’est arrivée, elle ne sera pas surprise de ne pas m’avoir vu. » En même temps il raconta tout ce qui s’était passé. Lorsqu’il eut achevé son récit : « Est-il possible, lui dit Mirgehan, que cette jeune dame dont tu m’entretiens soit si belle que tu le dis ? Tu en parles avec tant de vivacité que je me défie du portrait que tu m’en fais. — Seigneur, reprit le fils d’Abdallah, bien loin d’être un peintre flatteur, je puis vous assurer qu’elle est encore fort au-dessus de ce que j’ai dit. Oui, si Many, ce fameux peintre de la Chine, entreprenait de la peindre, il craindrait avec raison, de ne pouvoir égaler la nature. — C’en est trop, dit le roi, tu me donnes envie de voir cette dame, et je veux absolument l’accompagner tantôt, puisque tu dois retourner chez elle. »

La curiosité du jeune roi des Keraïtes affligea Couloufe. Il en appréhendait les suites pour son amour. « Eh, comment ferai-je, seigneur, lui dit-il, pour vous introduire chez cette dame ? Qui lui dirai-je que vous êtes ? — Je me déguiserai, repartit Mirgehan, et je passerai pour ton esclave. J’entrerai avec toi et me cacherai dans un coin, d’où j’observerai tout. » Le fils d’Abdallah n’osa répliquer à son maître, qui se revêtit d’un habit d’esclave, et tous deux, à l’entrée de la nuit, ils se rendirent à la porte de la mosquée. Ils n’y furent pas longtemps sans voir paraître la vieille, qui dit à Couloufe : « Il n’était pas besoin d’amener avec vous cet esclave. Vous n’avez qu’à le renvoyer. »