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CONTES ORIENTAUX

même quelquefois souhaité de vous voir. Je suis ravie d’avoir aujourd’hui cette satisfaction. Continuons nos danses et nos concerts, poursuivit-elle en se tournant vers les autres femmes ; faisons tous nos efforts pour divertir notre convive. » Toutes les dames recommencèrent à danser ou à jouer des instruments, et ce divertissement dura jusqu’à la nuit. D’abord qu’elle fut arrivée, on alluma une prodigieuse quantité de bougies, et, en attendant le souper, la jeune dame et le fils d’Abdallah eurent ensemble un entretien. Elle lui demanda des nouvelles du roi Mirgehan ; si ce prince avait de belles personnes dans son sérail. « Oui, madame, lui dit Couloufe, il a des esclaves d’une assez grande beauté. Il en aime une présentement qui se nomme Ghulendam. Elle est jeune, bien faite, et je dirais que c’est la plus belle fille du monde, si je ne vous avais pas vue ; mais vos charmes sont au-dessus des siens, et elle ne mérite pas de vous être comparée. » Ces paroles flatteuses ne déplurent point à Dilara[1], c’est ainsi que se nommait la jeune dame. Elle était fille de Boyruc, grand seigneur Keraïte, qui n’était point alors à Caracorum. Mirgehan l’avait envoyé à Samarcande pour féliciter de sa part Usbec-Kan sur son avènement à la couronne de Tartarie. Si bien que Dilara, pendant l’absence de son père, se faisait quelquefois un plaisir d’attirer des jeunes gens chez elle pour s’en divertir seulement ; car dès qu’ils voulaient lui perdre le respect, elle savait bien réprimer leurs transports.

Elle fut donc bien aise d’entendre dire à Couloufe qu’elle était plus belle que la maîtresse du roi. Cela

  1. Le repos du cœur