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LES MILLE ET UN JOURS

XIX

Le fils d’Abdallah, au désespoir d’avoir fait une action fort désagréable à la dame qu’il aimait, demeura dans la salle agité de mille pensées différentes. La vieille qui l’avait amené vint à lui : « Qu’avez-vous fait, jeune homme ? lui dit-elle. Fallait-il vous laisser emporter à votre passion ? Quoique je vous aie fait accroire que j’avais ici des esclaves de toute nation, vous avez dû juger par la magnificence de cette maison et à la manière dont on vous y a reçu, que vous n’étiez point chez une marchande d’esclaves. La dame que vous avez offensée est fille d’une des premières personnes de la cour. Vous deviez être plus respectueux. »

Le discours de la vieille augmenta l’amour de Couloufe et le regret qu’il avait d’avoir, par un transport indiscret, obligé la dame à se retirer. Il en était tout mortifié, et il désespérait de la revoir, quand plus parée et sous d’autres habits, elle revint dans le salon avec les autres dames. Elle se mit à rire en voyant le fils d’Abdallah triste et rêveur. « Je crois, lui dit-elle, que tu te repens de ta faute, et je veux bien te la pardonner, à condition que tu seras désormais plus sage, et que tu m’apprendras qui tu es. »

Comme il ne demandait pas mieux que de se réconcilier avec cette charmante personne, il lui dit sans peine qu’il se nommait Couloufe, et qu’il était favori du roi. « Seigneur, lui dit-elle alors, il y a longtemps que je vous connais de réputation et que j’entends parler de vous fort avantageusement. J’ai